Taille crayon
Hier matin (ou avant-hier), je sortais tranquillement des
brumes libidineuses du sommeil quand j’entends les mots « jeux vidéo ».
Il n’en faut pas plus pour me réveiller, et, toujours prostré dans la chaleur
de mes draps, je tends néanmoins l’oreille pour écouter ce qui se dit sur la
radio qu’écoute ma mère.
Je m’attendais, non sans un certain plaisir, à un vague
article sur le lancement des nouvelles consoles. Que nenni ! Il s’agissait
là d’un nouvel appel aux armes. Un p’tit génie, le député UMP (kézako ?)
Bernard Depierre, souhaite purement et simplement interdire la vente des jeux
vidéo jugés trop violents en France. Tout son plaidoyer se fonde sur un jeu qui a déjà
fait scandale un peu partout : Rule of Rose.
J’ai pas joué à la bête, mais elle me semble diablement
intéressante, quoi que plombée par un gameplay de merde, qu’il paraît. Une
jeune fille se retrouve dans un pensionnat dominé par de sales gamines qui
forment une espèce de cercle (« Red
Crayon Aristocracy ») et qui se livrent à une série de jeux féroces sensés
refléter la cruauté de l’enfance.
Et donc notre député, rejoint depuis par deux autres
larrons, et ben il est pas content, parce que dans Rule of Rose, on doit violer, torturer
et tuer une jeune fille ! Donc nos pieds nickelés en herbe ont tiré la sonnette
d’alarme, et les voilà à la radio, en train de saborder mon réveil déjà
douloureux.
Quoi qu’il en soit, nos trois amis ont sérieusement l’intention
de faire voter une loi qui prévoit que certains jeux soient interdits ici. Ils ont pompé ça d’un loi anglaise, il me semble, en
saisissant comme prétexte une critique du jeu Rule of Rose d'un tier politique italien. Le bouche à oreille
et les on-dit ont valeur de parole d’évangile pour notre ami Bernard. Après
tout, on est à l’ère de l’information prémâchée, alors pourquoi tenter de
réfléchir et de s’informer quand une information nous permet de nous complaire
dans notre crasse médiocrité ?
Pour ajouter du piquant, Riri, Fifi et Loulou étaient
manifestement mal informés, puisque les joueurs de Rule of Rose sont
catégoriques : bien que pouvant choquer, il n’y a pas la moindre trace de
viol, de torture ou de meurtre d'une jeune fille dans ce jeu. Quant aux passages vraiment durs, ils ne sont pas jouables. Car c’est
bien l’aspect interactif qui est à nouveau ciblé. « Bouh, nos chères têtes
blondes ne vont plus faire la différence entre le réel et le virtuel »
(argument absolument redondant que s’est empressé de sortir l’ami député).
Bon, comme tout ce qui était dit était faux, l’éditeur européen a gentiment remis le député en place, qui a dû retirer tout aussi gentiment les conneries qu’il avait pris soin de colporter sur son site. La grande plaie du net : laisser la plume à n'importe qui ! J’aimerais tant que l’éditeur porte plainte histoire que ça fasse du bruit.
La journée commençait bien mal. Je profitais de ces quelques minutes de bonheur sous la couette pour me jeter des fleurs, me congratulant de ne pas être soumis à ce régime absurde, quoi qu’il arrive. Import powaaa ! Avant de traîner mes guêtres en cours, bravant le froid et les intempéries, je décide d’aller voir de quoi il retourne précisément quand même. Et là, j’apprends que le jeu a quand même beaucoup fait parler de lui. En Italie principalement, et plus récemment en Angleterre. Dans les deux pays, le jeu s’est vu refusé le passeport et a été jeté dehors à coups de pied au cul. Tout est parti d’une information moisie lue à la va-vite sur le net, à l’instar de ce qui est arrivé lors de la controverse très gonflée des suicides par poches de silicones (LAUL).